Précarité Menstruelle | Briser le Tabou des Règles et de la Pauvreté en 2021

Un quart de la population française saigne chaque mois. Événement naturel et des plus sains, ce sang qui coule place 1 femme sur 10 en situation de précarité menstruelle. Entre phénomène de société, rébellion face aux inégalités et réel problème d’accès aux dispositifs de protections féminines, zoom sur une situation intenable qui fait couler beaucoup d’encre pour briser le tabou des règles et de la pauvreté.

La précarité menstruelle affecte les femmes du monde entier

Qui est concerné ?

La précarité menstruelle touche les femmes qui ne disposent pas de façon systématique de protections hygiéniques pour diverses raisons :

  • absence de moyens ;
  • manque d’informations / manque de renseignements ;
  • accès difficile à des infrastructures mettant de l’eau potable à disposition.

Ce constat concernerait une femme sur dix en France, mais nous sommes toutes concernées par le sujet. Les femmes incarcérées et celles à faibles revenus, notamment les collégiennes, lycéennes et étudiantes, sont les plus concernées.

En moyenne, les protections hygiéniques représentent 5 % du budget des personnes en situation précaire, sans parler des contraceptifs et des antidouleurs parfois indispensables aux maux des règles. Une femme dépenserait ainsi 5 500 euros au cours de sa vie en protections intimes.

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La situation de la France nécessite néanmoins d’être relativisée. Au Kenya, 65 % des jeunes femmes se retrouvent en situation de précarité menstruelle. Certaines vont même jusqu’à se prostituer en échange de serviettes hygiéniques et de tampons. Un constat alarmant qui peut s’améliorer avec des campagnes de sensibilisation et d’informations dans les écoles.

Quelles sont les solutions imaginées par les femmes en situation de précarité ?

Confrontées au dilemme de s’alimenter correctement ou de se protéger, certaines sont obligées de fabriquer des protections de fortune avec du papier toilette, de l’essuie-tout, du journal, des mouchoirs ou encore des tissus qu’elles jettent après usage.

Ces protections se révèlent souvent peu efficaces et non hygiéniques.

Certaines femmes vont même jusqu’à voler dans les magasins en désespoir de cause.

Est-ce que les protections hygiéniques durables s’apparentent à une solution viable ?

Les protections écologiques réutilisables apparaissent comme une bonne solution à long terme contre la précarité menstruelle, telles les culottes menstruelles lavables, mais leur prix semble de prime abord dissuasif.

Les personnes sans domicile fixe peinent en outre à avoir accès à l’eau potable et n’ont généralement aucun moyen de laver correctement leurs vêtements, et encore moins leur culotte de règles.

Les coupes menstruelles ne nécessitent pas de lavage en machine puisqu’elles maintiennent le sang à l’intérieur du vagin, toutefois elles comportent des risques. Selon l’abondance du flux, elles se vident toutes les 4 à 6 heures, ce qui implique de disposer systématiquement d’un accès aux sanitaires.

Du fait qu’elles augmentent la probabilité de choc toxique, les femmes qui les utilisent doivent respecter scrupuleusement les recommandations des fabricants, sans autre considération que leur santé.

Des risques pour la santé et une atteinte à la dignité

Un phénomène favorable à l’exclusion

La précarité menstruelle pénalise et cause beaucoup de soucis à des millions de femmes et de filles dans le monde selon la fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique.

Pendant leurs règles, les jeunes filles manquent souvent l’école pour ne pas se retrouver confrontées aux moqueries. La précarité menstruelle peut donc devenir une source de décrochage scolaire. Quand on sait qu’une menstruation dure généralement de 3 à 7 jours, cet absentéisme peut représenter jusqu’à 145 jours d’école ratés de plus que les garçons (20% de temps perdu par année scolaire).

En prison, les femmes reçoivent à leur arrivée un nécessaire de toilette comprenant quelques serviettes hygiéniques. Elles doivent ensuite en acheter à des tarifs souvent bien plus élevés que dans les grandes surfaces. Certaines prisonnières fabriquent des coupes menstruelles à partir de bouteille en plastique. Les règles élémentaires d’hygiène ne sont évidemment pas respectées et le risque d’infection ou de blessure s’accentue.

Dans le cadre d’une procédure de réinsertion, un défaut d’accès aux protections hygiénique peut entraîner l’échec à un entretien d’embauche. L’exclusion se renforce, car le futur employeur n’a bien sûr pas connaissance des raisons de cette absence qu’une femme ne souhaitera pas justifier.

Des risques réels pour la santé

Au-delà du tabou des règles, de la peur de tacher ses vêtements et de la honte ressentie, une protection féminine inadaptée ou trop rarement changée peut entraîner des démangeaisons, des infections jusqu’au syndrome du choc toxique.

Cette maladie infectieuse rare et aiguë survient lorsqu’un agent pathogène à l’origine d’une infection favorise la pénétration dans la circulation sanguine d’une bactérie toxique, un staphylocoque doré généralement. Plusieurs organes peuvent être affectés et consulter un gynécologue s’impose au plus vite pour enrayer l’infection.

Une situation tendue qui bouge peu à peu sous la pression populaire

Historique

En 2015, le débat sur la TVA des protections hygiéniques met en évidence que 1,7 million de personnes sont concernées par la précarité menstruelle. La taxe passe de 20 à 5,5 %. Les consommatrices s’en sont-elles rendu compte ? Pas sûr.

En 2018, l’Écosse est le premier pays en Europe à rendre accessibles gratuitement les protections périodiques dans les écoles, les collèges et les lycées. Une belle avancée contre la précarité menstruelle qui n’entraîne cependant pas les pays voisins à faire de même.

En 2020, la situation commence à changer en France. Le gouvernement teste la mise en place dans les lieux publics de protections féminines totalement gratuites. Des associations comme Règles élémentaires disséminent des boîtes à dons dans plusieurs villes de France par solidarité envers les plus démunies.

Des collectes sont également organisées localement dans des supermarchés.

Le collectif Les Glorieuses est à l’origine d’une pétition transmise au ministre de l’Éducation nationale pour demander la mise en place systématique de protections gratuites et biologiques dans tous les collèges et les lycées. Certaines facultés distribuent ponctuellement des serviettes hygiéniques et des tampons, mais cela reste marginal.

À quoi s’attendre en 2021 ?

Les associations et les campagnes marketing font bouger les mentalités en France.

À tel point que le gouvernement prévoit d’investir 5 millions d’euros sur le sujet en 2021. Ce budget vise à aider les associations à poursuivre leur lutte pour l’accès aux protections hygiéniques pour toutes les femmes, notamment les plus précaires et les moins informées.
Notamment, à partir de la rentrée scolaire 2021, des protections hygiéniques écologiques seront mises à disposition gratuitement des étudiantes et étudiants transgenres. Une belle avancée !

De la même façon qu’en 2020, des protections féminines seront mises en place dans de nombreux lieux publics afin de tester le succès d’une telle mesure. La crise sanitaire de 2020 n’a pas permis une analyse de la situation et nous espérons toutes et tous que 2021 sera une année différente !

Entre réel problème de précarité menstruelle et coup de gueule contre une société dans laquelle le sujet des règles reste encore tabou, les choses évoluent, lentement, mais sûrement grâce à des actions de solidarité, d’entraide et d’éducation du public cible dès la puberté. La tendance devrait s’améliorer grâce d’une part aux femmes qui affirment sans tabou leur féminité et d’autre part aux gouvernements qui ne peuvent plus nier le problème et sa légitimité.

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