La crise sanitaire du Coronavirus a mis en lumière bien des inégalités, notamment celle des protections hygiéniques. Non, vous ne trouverez pas de tampon ou de serviettes dans les kits de première nécessité distribués durant la pandémie. Et pire, certaines femmes se sont même fait verbaliser pour être sorties acheter des protections sous prétexte que cela n’est « pas vital ».
Pas essentielles les protections hygiéniques, vraiment ? Le tabou et les inégalités liés aux protections menstruelles ne datent pas d’hier…
La précarité menstruelle c’est quoi ?
C’est un mal qui touche 1,7 million de femmes en France et 500 millions dans le monde. C’est beaucoup. Quand on sait qu’un quart de la population a ses règles, on a du mal à croire que pour certaines, avoir accès à des tampons, des serviettes ou autres protections est difficile car leur budget ne leur permet pas.
Qui est concernée ? Les femmes SDF, les étudiantes, les mères célibataires, les femmes qui vivent sous le seuil de pauvreté… L’INSEE estime que parmi les sans-abri, 40 000 sont des femmes en âge d’avoir leurs règles. L’association Règles Élémentaires qui lutte contre la précarité menstruelle estime que le budget moyen est de 15 euros par mois. Une femme dépense ainsi de 8 000 à 23 000 euros pour ses règles au cours de sa vie !
Ces chiffres donnent le tournis. Une femme a ses règles pendant environ 40 ans, soit 500 fois. On ajoute à cela qu’il faut changer de protection régulièrement (toutes les 3 à 6 heures) pour éviter le syndrome du choc toxique. Ça chiffre vite... Le Monde vous propose de calculer vos dépenses grâce à un simulateur. Que compte-t-on là-dedans ? On pense aux protections mais aussi aux médicaments pour soulager les différents maux qui vont avec. Le quotidien rappelle que pour être complètement juste, il faudrait également inclure les frais de gynéco, et les dépenses en sous-vêtements et draps forcément accrues à cause des taches de sang.
C’est important d’en parler car vivre dans la précarité sans protection, ou sans suivi gynécologique entraîne un impact psychologique non négligeable mais également des infections ou des pathologies qui, non soignées, peuvent être dramatiques.
Les consciences s’éveillent
Heureusement, beaucoup se mobilisent. En première ligne, Règles Élémentaires donc, fondée par Tara Heuzé. Cette association organise des collectes de protections hygiéniques et les distribue aux plus démunies, mais permet aussi de recevoir des dons, et même d’organiser des collectes en 1 clic, où que vous soyez en France. C’est devenu la référence en la matière, car c’est la seule association dédiée à ce combat ! D’ailleurs, sa fondatrice rappelle que le don de coupes menstruelles et de culottes de règles est grandement bienvenu*, l’avantage étant qu’en plus de moins polluer, ces protections offrent un confort pendant plusieurs années. De quoi dire adieu à la précarité pour un long moment.
Il y a aussi d’autres acteurs. Comme Marguerite & Cie, une marque de tampons bio qui a mis en place en Bretagne des distributeurs de protections hygiéniques totalement gratuites dans les écoles et les universités, mais aussi dans quelques entreprises.
Aux quatre coins du pays, des initiatives sont prises pour permettre aux plus mal loties de sortir de cette précarité. A Montpellier par exemple, deux étudiants ont créé des boîtes aux lettres solidaires de protections hygiéniques dans lesquelles les femmes qui en ont besoin peuvent se fournir, les autres pouvant faire des dons. Et puis certaines associations montent au créneau et militent également pour un remboursement par l’État.
Bientôt remboursées ?
On ose à peine espérer qu’un jour les protections hygiéniques pourraient être remboursées par la Sécurité Sociale. Pourtant en Ecosse, la gratuité des protections périodiques pour toutes les femmes a été votée le 26 février dernier. Une décision qui fait rêver, et pour cause : c’est une première mondiale. Cette décision du Parlement écossais fait suite à une campagne de distribution gratuite aux jeunes filles et aux étudiantes, un « test » organisé par le pays en 2018.
La France emprunte progressivement le même chemin en 2020. Depuis février, le gouvernement offre des protections hygiéniques dans plusieurs lieux collectifs pour les femmes précaires ainsi que dans des distributeurs pour les personnes sans domicile.
La distribution dans les collèges et lycées était également envisagée avant l’épidémie de Coronavirus et fait son chemin. Si cela peut paraître normal, souvenez-vous que l’on revient de loin : jusqu’en 2016, les protections périodiques étaient taxées à 20 % comme les produits de luxe (douce ironie) avant l’abolition de cette « taxe tampon ». La TVA appliquée depuis est donc celle des produits de première nécessité, soit 5,5%.
Jusqu’en 2018, le sang menstruel était bleu à la télévision. Très récemment, une pub traitant sans tabou des règles et de l’acceptation de soi a recueilli plus de 1 000 signalements auprès du CSA, car considérée par certains comme « choquante » et « écœurante ». A n'en pas douter, les menstrues, c’est bel et bien toujours tabou !
Le Gouvernement français souhaite sensibiliser les jeunes filles et garçons dès l’entrée au collège, afin d’aborder les règles, le choc toxique… Attendre les cours de SVT en 4ème comme cela est le cas aujourd'hui, c’est un poil tard pour des filles qui peuvent avoir leurs règles dès le CM2.
Le budget alloué à la précarité menstruelle est d’un million d’euros en 2020. On est loin des 28 millions mis en place par l’Ecosse mais c’est un bon début.
Pour conclure, espérons que l’expérimentation de cette année 2020 ne passera pas à la trappe, car l’épidémie accroît les inégalités et les protections périodiques gratuites doivent être considérées comme des biens de première nécessité.
* Bertyne contribue depuis sa création à la lutte contre la précarité menstruelle, en soutenant les associations - dont Règles Elémentaires - par des dons de culottes de règles.
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